« L’expérience journalière d’une existence administrée nous conduit à prendre pour irrécusable un monde d’entités fictives. Elle nous fait parler de ces fantômes sous gestion avec des formules neuves, telles que le « progrès » dans les soins de santé, l’éducation universelle, la conscience planétaire, le développement social ; avec des mots qui suggèrent quelque chose de « mieux », de « scientifique », de « moderne », d’avancé, de « bénéfique pour les deshérités ». Les amibes verbales qui nous servent à désigner les fantômes nourris par la gestion connotent ainsi une vision éclairée, une préoccupation et une rationalité sociales, sans pour autant dénoter quoi que ce soit dont
nous pourrions faire l’expérience. Dans ce désert sémantique empli d’échos brouillés, nous avons besoin d’un grigri, d’un fétiche prestigieux, qui nous permette de nous poser en nobles défenseurs de valeurs sacrées. Il apparaît rétrospectivement que la justice sociale chez nous, le développement à l’extérieur et la paix dans le monde ont constitué des fétiches de ce genre. Et le nouveau fétiche, c’est la Vie. Il y a quelque chose d’apocalyptique à chercher la vie sous l’oeil du microscope. »
Ivan Illich, La construction institutionnelle d’un nouveau fétiche : la vie humaine, Chicago, 29 mars 1989.
nous pourrions faire l’expérience. Dans ce désert sémantique empli d’échos brouillés, nous avons besoin d’un grigri, d’un fétiche prestigieux, qui nous permette de nous poser en nobles défenseurs de valeurs sacrées. Il apparaît rétrospectivement que la justice sociale chez nous, le développement à l’extérieur et la paix dans le monde ont constitué des fétiches de ce genre. Et le nouveau fétiche, c’est la Vie. Il y a quelque chose d’apocalyptique à chercher la vie sous l’oeil du microscope. »
Ivan Illich, La construction institutionnelle d’un nouveau fétiche : la vie humaine, Chicago, 29 mars 1989.